Une famille comme les autres

Comme le savent ceux qui ont jeté un coup d'oeil sur le résumé, Je m'identifie sous le peudo de Stefan Yorik. J'avais rencontré ma future épouse Carmen (c'est son vrai prénom, des Carmen, il y en a 13 à la douzaine) à la fin des années 70 et nous nous sommes mariés le 4 juillet 1981.S'il ne nous était pas arrivé ce qui nous est arrivé, nous n'aurions jamais eu l'idée de parler de nos premier déboires. Cela n'intéresserait pas grand-monde, mais il fallait tout de même placer cette histoire sordide dans son contexte. Nous formons un couple harmonieux en ce sens que nos qualités et nos défauts respectifs se complètaient avec assez de bonheur. Comme tous les couples, nous eûmes nos joies et nos peines, nos désaccords, même. Mais après vingt ans, nous sommes toujours mariés et la terrible épreuve que nous traversons, nous la traversons ensemble, solidaires comme deux doigts de la même main. Ce ne fut malheureusement pas la première...

 

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Stefan

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Stefan

Comme beaucoup de couples, nous désirions des enfants. On s'était fixé comme but approximatif le nombre de deux enfants après cinq années de mariage. Début janvier 1983, nous conçûmes un petit garçon, que nous allions appeler Stefan (C'est son vrai nom et l'origine de mon pseudo). Les premières semaines de grossesse se passèrent normalement, puis Carmen eut une hémorragie, qui fut traîtée par le gynécologue avec des médicaments et une période de repos. Malheureusement, rien n'y fit. Stefan naquit le 22 juin 1983 (prématuré de 5 mois et demi). Malgré cela, il était grand, vu sa prématurité (33cm;850g) et il avait une telle volonté de vivre qu'il avait crié à la naissance. Pendant quatre mois, avec l'aide des pédiâtres du Centre Néo-Natal de Rocourt (je n'hésite pas à les citer, car ils firent preuve d'une compétence et d'un dévouement sans faille) nous avons lutté pour maintenir cette petite étincelle de vie. Pendant ses mois, les seuils contacts que nous eûmes avec notre fils se résumaient en des caresses de loin, sur son lit de douleur, ses petites mains qui nous enserraients de doigt. Nous lui parlions et on sentait qu'il réagissait à notre voix, à notre toucher, qu'ils s'apaisait.

Malheureusement, Stefan était né par les voies naturelles, sans césarienne. Il avait crié à la naissance et il en résulta une hémorragie cérébrale, dont la gravité ne faisait que s'accentuer avec le développement. On pouvait se décider à le garder, choisir l'acharnement thérapeutique, mais la destruction du cerveau était telle qu'il ne verrait jamais, ne jouerait jamais, ne ferait pas de bêtises, ne draguerait jamais le moment venu. Nous ne voulions pas lui faire ça, et nous avons suivi le conseil du pédiâtre : "foutez-lui la paix, laissez-le s'endormir tranquillement."  Stefan s'éteignit en octobre 83. C'est la première fois que nous le vîmes débarrassés de tous ces tuyaux, de toutes ses perfusions. Il aurait fait un bébé magnifique. C'est l'unique fois que Carmen put faire ce que les autres mamans font avec leur bébé: le prendre dans ses bras. Pour cela, il avait fallu attendre qu'il soit mort. Quand j'ai vu ça, j'ai chialé comme un gosse...

D'aucun vous diront que ce n'était qu'un bébé, que beaucoup de parents perdent leurs enfants à un âge plus avancé, et que ça fait encore plus mal. Ceux qui disent ça ont, en général, pas vécu la chose. La plupart de ceux qui ont perdu un enfant disent que c'est l'une des pires choses qui puissent arriver, et que l'âge n'a rien à voir avec l'affaire. La douleur est intense. Ma femme l'a ressentie dans son cœur de mère. Je l'ai ressenti comme un père, mais également à travers le chagrin d'un être aimé. Nous avons vécu ça. Et ce n'était pas fini.

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Les premiers jumeaux

  En 1984, mon épouse retomba enceinte, et là, l'échographie montra une chose merveilleuse, qui ne s'était jamais produite dans les deux familles : nous attendions des jumeaux. Malheureusement, le gynécologue ne prit pas l'affaire très au sérieux et, à 4 mois et demi, Carmen fit une double fausse couche. Il s'agissait d'un couple (garçon et fille) parfaitement viables, selon l'autopsie que j'avais réclamée. C'est mon épouse, qui cette fois, dut supporter tout le chagrin de la perte des deux petits êtres qu'elle n'avait pu garder dans son ventre. Ils n'ont jamais eu d'existence légale, et, quand, lors d'un interrogatoire de police due à l'affaire qui constitue le sujet de ce site, il me fut demandé "combien d'enfant avez-vous eu ?", j'ai dû répondre "trois", alors que la vraie réponse, au de-delà des conneries administratives, aurait dû être "cinq". Tout ça pour vous dire nous faisons partie de ceux qui connaissent la vraie valeur d'un enfant. Nous pensions avoir payé assez cher pour cela. Apparemment, ce n'était pas suffisant

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La troisième, c'est la bonne !

Vous décrire la dépression que traversa mon épouse ne ferait que faire pleurer Margot. Je la soutins comme je pus, étant, en tant que mâle, moins affecté par la perte des premiers jumeaux que Carmen qui la ressentait dans sa chair. Elle était féconde, mais ne pouvait garder ses enfants. Elle ne pouvait plus supporter la maison que nous louions à cette époque, aussi nous décidâmes de faire construire dans un petit lotissement que nous habitons encore aujourd'hui. Tout qui fait construire connaît les problèmes inhérents à ce genre d'aventure (erreurs de construction, retards,...) aussi, je ne m'étendrai pas là-dessus, mais cela constitua un dérivatif pour mon épouse dans lequel  le caractère dynamique trouva à s'exprimer.

Le déménagement eut lieu en juillet 1984, et le moment était venu de s'occuper de cette mystérieuse maladie qui empêchait nos enfants de naître à terme. Visiblement, le gynécologue précédent n'avait pas été à la hauteur. Nous nous tournâmes vers un autre, spécialisé dans les cas de stérilité et de grossesse difficile, qui, en un tournemain, mit le doigt sur le problème : mon épouse soufffrait d'une déformation bénigne de l'utérus, facilement contrôlable à l'aide d'un cerclage.

Nous préparâmes cette fois notre troisième tentative comme des sportifs pour les jeux olympiques : régime, exercices, musculation des abdominaux. Tout y passa et Carmen tomba enceinte pour la troisième fois en décembre 1985. Lorsque le préposé à l'échographie nous demanda si nous avions suivi un traitement contre la stérilité, notre cœur s'arrêta de battre. Aurions-nous des triplés ? Des quadruplés ? Non, heureusement. C'était une fois de plus des jumeaux. Apprenant cela, le gynécologue traita mon épouse de "peau de vache" car ça compliquait un tant soit peu les choses. Outre le cerclage (fermeture de l'utérus trop ouvert)il fallait conserver une immobilité presque totale et avec un minimium de stress.

Qu'à cela ne tienne, je tressais pour deux. Je travaillais dans un bureau à cette époque et chaque coup de téléphone (et dans un bureau, ça ne manque pas) me faisait sursauter, et quand j'entendais la voix de mon épouse à l'autre bout du fil, je frôlais l'apoplexie. Mais c'était simplement pour m'instruire d'une liste de commission ou d'autre broutilles du même genre. Mon cauchemar s'arrêta le 31 juillet 1986, lorsqu'une bonne soeur, d'une voix joyeuse, me dit : " Vous avez deux petites filles !"

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